Off-topic – Merci Manu!
Holly shit, they did it!
Exceptionally, this will be the only english sentence of this post. English is not my native language, obviously, but this time the subject is not exclusively technical and I’m so stunned that I fear the lost in translation.
Parfois, ils me font rire et souvent ils me font honte. Je le répète de plus en plus souvent : “Et dire que nous nous sommes copieusement moqué des américains après la réélection de George W. Bush…”. De ce côté, nous avons de moins en moins à leur envier.
Votée il y a tout juste un an après quelques débats houleux, Matignon a une nouvelle fois fait preuve d’un très grand courage en publiant le décret d’application de l’article 20 « Accès administratif aux données de connexion » de la Loi de Programmation Militaire 2014-2019 le 24 décembre dernier. Nul doute qu’à ce moment là, toute la France surveillerait les publications au Journal Officiel.
Qui ne dit mot consent, la loi entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Quoiqu’il en soit, depuis quelques temps qui la ramènera, se ferra rembarrer de toute façon ! Demandez donc au député UMP Lionel Tardy ce qu’il en pense… Fondateur et président de la société de conseil en informatique LTI, il a au moins le mérite de comprendre de quoi parle cette loi, mais surtout il a mis le doigt, non les doigts (de pied compris…) sur les largesses que cette loi prend avec les libertés individuelles et n’ayons pas peur des mots : la présomption d’innocence, même quand on est accusé de rien. Ce qui ne semble pas être le cas de Mme Patricia Adam, rapporteure du texte, députée PS et présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, qui repoussera amendements et questions du député de Haute-Savoie avec des justifications toutes plus floues voire ridicules les unes que les autres.
Car en ce qui concerne le cadre d’application de cette loi, on baigne dans le flou absolu puisqu’on ne nous parle que de « documents », sans précision sur leur nature. Pourront donc être recueillis par les services de l’État :
les informations ou documents qui leur sont nécessaires, chacun en ce qui le concerne, pour la réalisation et l’exploitation des interceptions autorisées par la loi.
Plus fort encore, les demandes (réquisitions semble plus adapté d’ailleurs) n’auront même pas à être justifiées auprès des opérateurs télécoms, FAI et hébergeurs. Le ministère concerné s’adressera au GIC, le Groupement Interministériel de Contrôle qui est l’organe en charge des écoutes téléphoniques et qui dépend directement des services du premier ministre donc parfaitement indépendant, cela va de soi. Le GIC forcera ensuite le FAI ou l’opérateur télécom à fournir les informations souhaitées sans que celui-ci ne sache ni d’où provient la demande au départ, ni quels faits l’ont motivé. Transparence 0 sur l’origine, absence de validation d’un juge… Cela pourrait-il permettre au GIC d’être en fait à l’origine de ces demandes ? Non, bien sûr que non, quelle paranoïa. Bizarrement, ça me rappelle quand même les années 80 (oui Patrick, j’étais né !) mais en mieux : cette fois, les mecs ne se cachent même plus !
Attention. Un organe à peu près indépendant est quand même désigné pour s’assurer que tout cela se passe bien dans le cadre strict de la loi (une des plus floues jamais vues, ça va être ubuesque). On parle du pays des droits de l’homme et des Lumières. La CNCIS (Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité) sera en charge des contrôles. Bon, arrêtons tout de suite d’y croire : ce contrôle n’interviendra qu’à posteriori, sous une dizaine de jours. Autant dire que le mal aura été fait.
Encore ? Oui, pas de problème : la CNIL, une nouvelle fois toute puissante en la matière n’a même pas été consultée sur le sujet. Elle s’en offusque. Ça tremble sévère à Matignon !
Plus ? L’article de Next INpact résume très bien à la fois le contenu et la façon très démocratique dont tout cela a été élaboré.
Le clou du spectacle : nous allons payer pour notre surveillance. C’est du détail, ça n’a rien de surprenant mais ça me plait.
Les coûts supportés par les opérateurs pour la transmission des informations ou des documents font l’objet d’un remboursement par l’État.
Pour les plus courageux, tout le détail ici : 18-12-2013 Loi LPM 2014 à 2019
Mais au fond, ils ont bien raison ! Depuis tout ce temps, vous continuez à voter et donc à légitimer notre asservissement.
Ah mais non, suis je bête : tout ça en fait c’est pour notre bien. On veut juste nous protéger des dangereux terroristes ! Quoiqu’il en soit il parait de plus en plus indispensable d’avancer masqué, ne serait ce que par principe car j’entends déjà des “moi, je n’ai rien à me reprocher donc je trouve ça normal”; raisonnement simpliste qui a déjà justifié, entre autres, vidéo-surveillance à tout va, fichages en tous genres, Loppsi 2, etc. Là où le paradoxe survient c’est que les très très vilains islamistes et autres pédophiles qui sont officiellement visés n’agissent évidemment pas au grand jour, et bien les honnêtes gens qui ne veulent simplement pas être sous surveillance permanente vont devoir utiliser les mêmes moyens… Pour les autres, vous ferez au moins le bonheur commercial de nos dirigeants qui pourront, après avoir exploité ce qui les intéresse, revendre toutes ces informations à des entreprises; comme cela est le cas par exemple pour le fichier national des cartes grises. Et oui, c’est la période de noël, mais quand même : ce n’est pas tout à fait par hasard que tu reçois (oui ils vendent ton adresse avec) une promotion sur des pneus, exactement la taille montée sur ta voiture. Ça alors !
Tails est en passe de se démocratiser. Et finalement, c’est sans doute la bonne nouvelle de l’affaire !